LE CABARET DU FAUNE
Le faune et sa flûte ont rendu souvent visite à l’univers mental de Debussy, pas moins de six œuvres y puisent leur inspiration et lorsqu’on sait que ses amis le surnommait « le faune » on comprend que créature et créateur avait partie liée, qu’une secrète connivence les tenait intimement rapprochés au point de se confondre.
Qu’ont en commun le « triste chercheur », comme aimait à se décrire Debussy, et l’amoureux de la nymphe Syrinx ? Ils cherchent leur forme. Perdu dans sa forêt archaïque et glacée, l’adolescent éternel, le grand Pan, dieu difforme et polymorphe, et son double ne cessent de muer au gré d’éclosions multiples. Assoiffés de beauté, ils la pourchassent sans relâche, et trouvent leur souffle et leur fécondité dans son adoration. Et c’est dans la musique, l’art
le plus insaisissable et qui n’a d’étoffe que temporelle, qu’ils trouvent l’un et l’autre leur forme la plus accomplie.
Ne trouve-t-il pas son jumeau dans le faune joueur et souffleur l’homme farouchement libre qui veut que sa musique soit « pareille au vent qui passe » ? Mais voués à cette quête infinie et solitaire si souvent déçue, ils ont la mélancolie en partage, car leur désir fusionnel ne trouve pas de répondant.
Sa nature plurielle, à la fois humaine, animale et végétale, place le faune d’emblée en marge du monde, à l’instar de son alter ego Debussy pour qui le lieu idéal est « n’importe où en dehors du monde ». L’artiste et sa chimère, arpenteurs des zones frontières, explorent les confins pour y débusquer la source de beauté, à la lisière de l’audible, à la bordure de l’ombre, à la jointure du jaillissement et de l’ordre, au lieu équivoque où le faux-semblant divulgue de secrètes vérités. Et ce faisant ils interrogent inlassablement leur propre frontière, ou comment prendre corps.
Le cabaret est cet entre-deux-mondes qui permet de s’essayer à toutes les formes, de jouer tous les rôles, de sonder les limites, de rire des idoles. Là, notre faune s’essaie à la chanson réaliste, intoxiquée par la petite alchimie de son maître. Là, il espère encore la fusion amoureuse en vain. Là, il s’essaie à l’extrême à toutes les mutations, jusqu’à en perdre sa propre trace.
C’est alors que dépouillé de toute forme, l’assoiffé finira par reconnaître enfin sa vraie nature qui se trouve être toute entière mouvement, transformation, métamorphose, semblable à l’eau, semblable à la musique de Claude Debussy.
En puisant dans l’œuvre de Claude Debussy, le spectacle donne lieu à une hallucination musicale et dansée, savoureusement naïve et décalée. Porté et conçu par Romie Estèves et Nicolas Krüger, Le Cabaret du Faune tisse un moment de grande poésie, d’espièglerie et de mystère, où la soif de beauté est jouée au ping-pong entre deux protagonistes que tout oppose bien que nécessairement liés car occupant le même espace mental. Un univers mental fantasque et insolite où l’on découvre le désert dans une baignoire, le théâtre dans les feuilles mortes, la sensualité dans les branches, l’espoir dans la neige...
La musique envoûtante et joueuse de Debussy y est redécouverte grâce à ce surprenant et mystérieux assemblage, pourtant d’une secrète cohérence, interprété par ce duo saisissant.
La Compagnie La Marginaire signe à nouveau un spectacle étonnant et hybride à destination d’un large public rassemblant connaisseurs et découvreurs de tous âges.
Romie Estèves et Nicolas Krüger
DESCRIPTION
Conception et interprétation de
Romie ESTÈVES et Nicolas KRÜGER
Mise en scène Stéphane VÉRITÉ
Lumières Steeve DECHELOTTE
Son Clément TRANCHANT
Costumes Danièle BARRAUD
Production LA MARGINAIRE
Coproducteurs OPÉRA ZUID
Avec le soutien de SOUS L'OPALÉTUVIER,
MARTINROU
DISTRIBUTION
« C’est un plaisir constant, qui nous tient en haleine, en une symbiose rare avec le propos musical.»
Forumopera - Yvan Beuvard - 28 mai 2023